Un automate sur la tour Nord

La Tour Nord... de nombreux habitants s'y pressaient le jour, pour admirer le spectacle de la foudre tombant dans la cuvette et se recharger en ondes électriques. Certains étaient même assez pour essayer d'attirer les éclairs à eux avec un sort. Bien entendu, ils finissaient changés en un petit tas de cendres, mais ça, c'était juste le canséquence de leur stupidité...
Wailani avait quand à elle choisi d'y venir de nuit, montant au sommet de la Tour, là où l'on dominait tout le territoire de son peuple. Le regard pouvait porter à l'infini sur les zones ravagées par les éclairs, et Uinseann se voyait distinctement grace à la lumière de la foudre.
Venir ici était l'une des rares choses dont la conseillère pouvait dire qu'elle l'appréciait - preuve qu'elle n'était pas encore devenue totalement un automate - mais sûrement pas pour la beauté du spectacle. C'était plutôt parce qu'il n'y avait rien de particulier sur quoi ses yeux pouvaient se fixer, et que cela la reposait mieux qu'une nuit de sommeil. Aprés une heure à la tour, Wailani avait sa batterie complètement rechargée et pouvait se replonger dans des tâches qui étaient souvent sans lien avec son métier. A moins que les paperasses en fassent partie ?

* Quel intérêt... de toute manière, quelqu'un doit bien les faire. Autant que ce ne soit pas un incapable, et si ça donne moins de travail à notre chef... *

La journée avait été une des plus épuisantes qu'elle ait vécue. Il lui avait fallu s'occuper de quelques dossiers sensibles sur lesquelles Sacha voudrait sûrement une opinion autre que celle de celui qui les avait rédigés, et penser à ce bal. L'idée de devoir se mettre en robe et supporter des gens dont elle ignorait tout pendant des heures ne parvenait même pas à l'énerver, ça lui faisait juste froncer les sourcils - chose assez rare pour être notée.
Un éclair s'abattit dans un grand fracas, lui permettant d'apercevoir une ombre vers laquelle elle pivota d'un bloc, prête à prendre le lacet de cuir à sa ceinture pour étrangler le gêneur.

Le Grand Prêtre du Pays du Vent venait de passer une septaine dans le Palais des Terres Neutres pour reprendre des forces auprès de Yumna. Il faisait un tel pélérinage quelques fois par ans. En fait il se servait de la Déesse pour fuir les questions que tous lui posaient continuellement quand il était au Pays du Vent. D'accord il était vieux et avait connu beaucoup de choses mais pourquoi les gens venaient-ils l'embêter tout le temps. Même quand il allait s'isoler dans la montagne quelqu'un finissait par le trouver. Du coup les Terres Saintes étaient un refuge parfait. Elle n'était pas loin de chez lui, et les seules personnes qui y venaient étaient si pieuses que personne n'osait le déranger. C'était la solution a son besoin de solitude.

Après ces quelques jours passés seul, Zihel se décida a sortir du Palais et a aller se promener pendant quelques jours. Il partit de bon matin, une simple besace passé sur l'épaule, en direction du Nord. Pourquoi le Nord ? Sans réelle raison a vrai dire. Après tout, il fallait bien choisir une direction. Zihel marcha toute la journée de sa démarche si particulière. Sa longue tunique cachait les mouvements de ses pieds si bien que personne n'avait compris comment il faisait. Zihel semblait donc glisser autant que marcher. Quelques unes des personnes qui le voyait souvent parvinrent a reproduire la chose mais ils la maîtrisaient beaucoup moins bien. Du coup ça devenait vite inconfortable pour les utilisateurs en question. Mais Zihel ne se préoccupait pas de ces choses.

Avantage de son âge, c'était que personne n'insistait quand on lui demandait ou il allait. Quand il ne répondit pas après avoir eu franchi la frontière du Pays de la Foudre personne ne l'arrêta et il continua sa marche tranquillement. Zihel avait l'habitude de passer d'un pays a l'autre et ça n'avait posé aucun problème jusqu'alors. Le Pays de la Foudre était pourtant un peu différent des autres mais le vieil homme ne voulait pas se compliquer la vie. Regardant le paysage dans le soleil couchant, Zihel remarqua une haute tour. Curieux de voir le point de vue qu'il y avait de la haut il décida d'y monter.

Alors qu'il arrivait en haut il remarqua que la nuit était déjà tombée. Pas très grave, les éclairs éclairaient le panorama d'une façon assez poétique. Dans la lumière d'un éclair il remarqua qu'il n'était pas seul. Surement quelqu'un du Pays qui faisait le plein de foudre. Zihel décida de ne pas la déranger. Mais apparemment il n'était pas aussi discret qu'il le croyait car la jeune femme se tourna vers lui. Ne voulant pas créer le moindre incident, le vieil parla.

"Navré de vous avoir dérangée."

Il crut reconnaître l'une des Conseillers de la Foudre mais il avait tellement de visages en mémoire qu'il ne faisait pas confiance a ses intuition lorsqu'il ne connaissait pas bien la personne.

Wailani dévisagea rapidement le vieil homme qu'elle avait en face d'elle, oubliant au fur et à mesure les observations qu'elles se faisaient. Par exemple comment il avait pu monter sans qu'elle l'entende, alors qu'elle une ouïe particulièrement aiguisée. Par contre, ce que sa voix lui apprenait, ça, elle ne le reléguait pas dans un coin de sa mémoire.
Daignant incliner légèrement la tête, la conseillère répondit d'une voix atone et trainant;

_ Ca n'est rien. Qu'est-ce qu'un ancien guerrier étranger à ce peuple fait en ce lieu ?

Le vieillard avait la voix encore ferme et puissante malgré le fait qu'il semblait usé par les années. Quelqu'un d'habitué au commandement, pas hostile, mais loin 'être faible. De toute façon, quel intérêt y avait-il à savoir tout cela grâce à une voix ? Elle n'allait pas lui sauter dessus pour le tuer, ni lui faire la conversation autour d'une tasse de thé.
Retournant à son poste, Wailani ôta la main du lien qu'elle s'apprêtait à saisir et effleura rapidement le disque de métal tranchant accroché par son centre, seul endroit qui ne coupait pas, à sa ceinture. Le saisissant, elle le lança dans la cuvette, l'arme décrivant un cercle avant de revenir et d'être habilement saisie. Les éclairs attirés par le métal s'étaient rejoints et s'étaient fracassés dans un bruit terrible, heurtant le sol en un seul point.
Bien que son sourire ne se voit sur le visage figé de la jeune femme, elle goûtait ce spectacle, et avait déja presqu'oublié l'étranger.

Zihel ne montra pas sa surprise quand la femme en face d'elle le qualifia "d'ancien guerrier". La chose était unanimement connue dans le Pays du Vent mais ici il doutait qu'on connaisse son histoire. Le plus propable c'était qu'il avait en face de lui une jeune femme bien plus intelligente qu'il ne l'avait d'abord cru. Il l'avait prise pour une habitante quelconque du Pays de la Foudre, oubliant rapidement que son visage lui avait fait penser a un conseiller. Le vieil homme se senti mal a l'aise face a cette femme étrange. Mais ce sentiment ne dura qu'une respiration. Après tout il avait connu tellement de gens aux caractères si différents que rien ne lui paraissait plus sortir de l'ordinaire.

Zihel eut alors envie de voir les étoiles. Bien sur elles ne seraient pas aussi brillantes que dans la montagne ou il vivait mais ce spectacle lui était toujours agréable. Quand il était enfant il se souvenait avoir passé des soirées a regarder les étoiles et s'être endormi sous la voute étoilée, ses parents a côté de lui. Le Grand Prêtre sourit. Les souvenirs aussi lointain étaient rares, surtout lorsqu'ils avaient une telle intensité. Mais le ciel parsemé d'éclair était couvert de nuages. Peut être pourrait-il faire quelque chose pour changer ça.

Mais alors qu'il pensait a tout ça, un éclait plus puissant que les autres attira son attention. Il vit un objet métalique revenir dans la main de la jeune femme qui semblait-il avait oublié sa présence. Cette femme n'avait rien de banale, Zihel devait bien l'avouer. Avec un tel éclair elle devait être prête a tenir des jours. Ce fut donc sans grand remord que le vieil homme décida de faire apparaître les étoiles. S'avançant il passa a côté de la femme et se contenta de prononcer;

"Veuillez m'excuser."

Mais Zihel ne s'arrêta pas quand la tour s'arrêtait sous ses pieds. Seul un bout de sa tunique était encore sur la tour. Jugeant le ciel d'un regard connaisseur, il acquissa de la tête. Puis d'un vif mouvement du bras, bien plus vif qu'on aurait pu l'attendre d'une personne aussi âgée, le Vent se leva en une seule et unique raffale. Au dessus de lui les nuages s'écartèrent et les étoiles apparurent.

*Dommage, elles sont bien plus ternes ici.*

Wailani ne réagit en aucune manière lorsque le vieil homme s'éleva dans le vide. Cela aurait dû lui apprendre qu'il était du peuple du Vent, et donc un allié potentiel pour son peuple, mais la jeune femme ne fixait jamais son attention sur ce qu'elle voyait, allant jusqu'à demander à un sous-fifre de lui lire les dossiers qu'elle retenait aussitôt et de noter ses propres rapports. C'était un des avantages inhérents à son poste et elle en profitait, sachant qu'elle ne serait pas aussi efficace autrement.
La conseillère adressa un regard vide aux étoiles avant de tenter d'entendre le fracas du tonnerre, qui ne vint pas. Les nuages avaient été temporairement repoussés par le membre du peuple du vent.

_ Voilà qui change de l'ordinaire...

Constatation stupéfiante de pertinence ! Cela devait faire bien des années que ce lieu n'avait pas connu le silence, et ce n'était pas l'installation du peuple de la foudre qui avait arragé les choses. Cette tour n'était en vérité qu'une sorte d'immense aimant qui attirait la plupart des signes de la colère du ciel en ce lieu pour protéger la ville et les - rares - cultures.
Entendant monter un soldat peu discret intrigué par l'absence de foudre, Wailani s'approcha de manière à dissimuler le vieillard volant. Si elle pouvait éviter que ce crétin de garde le voit, cela lui épargnerait un éclair...

_ Du calme, soldat... pourquoi êtes-vous monté ? N'avais-je pas dit que je ne voulais être déranger que si notre chef ou son bras droit me faisait appeler ?

Longue, trés longue tirade venant de la jeune femme, et qui acheva de terrifier le soldat qui inclina la tête en bredouillant de lamentables excuses où seuls se discernaient les mots " silence", "inhabituel", "menace" ainsi qu'un misérable "conseillère". Lui adressant un regard sans sentiments, elle indiqua d'un geste du menton la direction de l'escalier à l'homme qui s'y rua dans un fracas qui remplaça celui du tonnerre.
Aprés avoir attendu un moment pour savoir si d'autres veilleurs monteraient, Wailani approcha de la balustrade.

_ Je vous prierais de ne pas faire durer ce petit tour trop longtemps, sans quoi mon bureau sera couvert de messages d'alertes envoyés par ses veilleurs trop superstitieux pour être efficace.

Simple constat. Le jour où l'ancien roi avait été foudroyé, le prédécesseur de la jeune femme avait manqué se noyer dans des messages pompeux ou terrifiés qui annonçaient en substance l'arrivée de la fin du monde ou, au contraire, que c'était le moment propice pour lancer une grande politique d'expansion du territoire, sous prétexte que la mort de leur dirigeant ferait sous-estimer leur armée. Quoiqu'apparemment, il n'y avait guère besoin de ça !

Malgré qu'il n'ait pas devant les yeux les étoiles qu'il était habitué a voir, Zihel fut content du résultat. Bien des fois il avait utilisé cette méthode pour faire cesser la pluie et voyager au sec pendant quelques heures. Ce n'était pas quelque chose de très difficile a faire. Les paysans s'en servait pour contrôler le temps qu'il faisait. Ca n'était pas toujours efficace mais le vieil homme pouvait se venter d'avoir attraper le coup de main. Mais avec les progrès constants de l'agriculture peu étaient encore les paysans a utiliser ce stratagème contre la Nature. Le silence permis au cerveau de Zihel de se reposer un peu. Il se demandait toujours comment les habitants du Pays de la Foudre faisaient pour supporter constament les éclairs qui venaient s'écraser au sol.

Puis il y eu du bruit dans l'escalier. Evidemment un tel changement météorologique avait quelque chose d'assez inhabituel, surtout ici. Mais Zihel ne pretta aucune importance a l'homme qui avait apparu, ni au fait que la jeune femme semblait vouloir dissimuler sa présence. Elle devait avoir ses raisons. Le vieil homme remarqua alors qu'il marchait dans le vide, ça expliquait surement le comportement dans la jeune femme. Il fit un pas pour retrouver le sol sous ses pieds, ne sentant pas vraiment la différence. Mais il faudrait qu'il se méfie, un jour il marcherait trop loin dans le vide et tout son savoir sur la maîtrise de l'air ne parviendrait pas a l'empêcher de tomber comme une pierre. Peut être que s'il était plus jeune il arriverait a s'en sortir mais étant donné que c'était loin d'être le cas, cette chute serait la dernière.

Il lui sembla que la garde avait dit "Conseillère" en parlant a la jeune femme. Son esprit était bien plus en ordre qu'il ne l'avait pensé. Mais cette nouvelle donnée plaçait Zihel dans une position délicate. A partir de maintenant il ne devrait pas se comporté comme il l'aurait fait si la jeune femme n'avait été qu'une simple fille du peuple. Après tout il ne pouvait pas risquer de créer des tension entre les deux Pays. Mais après tout, la Conseillère -Wailani s'il en croyait ses souvenirs- semblait quelqu'un de raisonnable.

Zihel ne put s'empêcher de sourire quand elle lui parla ensuite. Il avait toujours été stupéfait par la supertition. En tant que Grand Prêtre il croyait bien évidemment en Yumna mais pour autant il laissait le monde tourner de lui même sans faire de tout ce qu'il voyait un message de la Déesse.

"Toutes mes excuses Dame Wailani. Les choses rentreront dans l'ordre bientôt."

Ne sachant pas vraiment comment s'adresser a cette haute figure du gouvernement de la Foudre, il choisi quelque chose de passe partout. Et après tout si ça ne lui plaisait pas elle le reprendrait et on n'en parlerait plus. Parti sur sa lancé, il ajouta d'une voix authentiquement intriguée.

"Voir les étoiles n'est pas quelque chose qui vous manque ?"

C'était bien ce vieux Zihel de parler de sujet aussi dérisoire avec une telle personne.

La question de Zihel engendra chez Wailani une réaction étrange, sans doute pas aux yeux du vieil homme mais qui aurait fait bondir n'importe qui avait entendu parler de la conseillère. Tout son peuple, quoi, parce qu'elle devait bien être la seule à souvent oublier quelle tête avait Sacha. La jeune femme eut un fou rire, pas joyeux ou autre, juste vide d'intonation comme sa voix, mais c'était quand même un rire. L'automate commençait à sérieusement dérailler.
Se reprenat au bout d'un moment, les côtes douloureuses ( bah oui, elle n'était pas vraiment habituée ), Wailani reprit son souffle et répondit.

_ Comment quelque chose que l'on ne voit qu'hors de ces terres pourrait nous manquer ? La réaction de ce soldat était explicite.

Elle n'avait même pas remarqué que le vieillard était revenu à terre, contemplant les étoiles auquelles elle n'était pas vraiment habituée et dont elle ignorait le nom - et pourtant, ce n'était pas faute de ne pas avoir essayé, c'est juste qu'il faut un minimum de mémoire visuelle pour ça .
En un sens, c'était reposant ce silence, ça l'apaisait autant que de laisser ses yeux se balader sans rien à quoi se fixer, mais l'endroit semblait comme maudit une fois dépourvu de ses éclairs permanents.
Au bout d'un moment, la voix atone brisa à nouveau le silence.

_ Pourriez-vous vous reposer sur le sol de la Tour ? Si un soldat vous voit, il vous foudroiera à vue. Et il est inutile de me nommer Dame Walaini sachant que vous êtes plus âgé que moi.

Ses paroles pouvaient être prises comme insultantes pour le vieil homme, mais il était normal assez âgé pour ne pas s'en vexer. Et s'il le faisait, nul doute que la conseillère ne s'en rendrait même pas compte, insensible comme elle l'était.
Au bout d'un moment, fixant le bas de la tour, elle vit que des manants commençaient à approcher de la Tour, intrigués. Tendant la main, la conseillère effleura son disque métallique et généra un éclair qui pouvait presque rivalisé avec ceux qui tombaient naturellement. Elle avait visé un endroit pas trés loin des gens, de manière à leur faire un peu peur.
La magie n'avait pas entamé ses réserves d'énergie, rechagées comme elles ne l'avaient jamais été, et le sort fit repartir les gens, pensant qu'il s'agissait d'une nouvelle fantaisie de Walaini. De toute façon, elle ne risquait pas de les dissuader de penser cela.

Zihel fut quelque peu surpris de la réaction de la Conseillère. En lui demandant si les étoiles ne lui manquaient pas il ne s'était pas du tout attendu a la voir rire. Indécis il ne se permis qu'un léger sourire en attendant que la jeune femme se reprenne. Ce qui ne fut pas vraiment long. Perplexe il avait redirigé ses yeux vers le ciel, non pas qu'il se moque de ce que pouvait faire la jeune Conseillère mais parce qu'imanquablement il était attiré vers les étoiles. Il se souvenait d'une histoire que sa mère lui racontait quand il était petit. Celle d'un fils du Vent qui était arrivé a chevaucher la plus forte bourrasque jamais ressenti. Il s'était envolé jusqu'au étoile racontait-on. Zihel doutait qu'il y ait quelque chose de réel dans cette histoire mais depuis lors il avait tourjours eu les yeux tournés vers le ciel et les étoiles.

La voix feminine tira le vieux Prêtre de ses rêveries. Sa réponse était empreinte d'une intelligence que Zihel s'attendait a voir chez une telle personne. Mais ce qu'il remarqua c'est qu'au final elle n'avait pas répondu a sa question. Lui utilisait de tel procédé pour éviter de répondre aux perpétuelles questions qu'on lui posait a lui en tant que personne. Mais Zihel ne se fâcha pas de sa réponse. Après tout elle n'avait pas a lui raconter ce qu'il pouvait lui demander comme lui n'avait pas a répondre aux questions des habitants du Pays du Vent.

Quand elle lui demanda de se reposer sur le sol de la tour, Zihel ne fit aucun commentaire et se contenta de venir se mettre a son niveau. Il ne craignait pas la foudre d'un des gardes mais dans une telle situation il serait obliger de répondre et même s'il avait été connu pour vaincre sans tuer, Zihel se placerait dans une situation délicate. Apparemment elle n'était pas plus a cheval sur les règles que lui. Zihel n'avait jamais aimé les titres et les grades. Déjà dans l'armée il détestait tout ça, ce qui était en parti responsable du fait qu'il n'eut pas connu une aussi brillante carrière que son cousin.

Se demandant ce qui avait attiré l'attention de la jeune femme, Zihel remarqua que sa petite prestation commençait a faire jazer. Avant qu'il n'ait pu faire un mouvement, il vit la Conseillère produire un éclair qui révélait sa puissance. Zihel n'aurait pas voulu se frotter a elle, même s'il doutait qu'elle contrôle assez bien une telle puissance pour lui faire un quelconque mal. Après tout ce qui avait fait la force de Zihel ce n'était pas sa puissance mais sa capacité a maîtriser le Vent. Enfin, peu importait, les curieux repartaient déjà. Le vieux Prêtre remarqua que déjà les nuages revenaient. D'ici une quinzaine de minutes le ciel serait aussi plein d'éclairs qu'il l'avait toujours été.

Wailani constata que tous les curieux étaient repartis et que le ciel recommençait à se couvrir. Nul doute que les éléments retrouveraient bientôt leur ordre naturel, ce qui valait mieux. Si elle pouvait éviter de se faire convoquer par sa chef pour un sermon aprés un tel évènement, peut-être que les courtisant habituels cesseraient d'essayer de la discréditer. Ce bruit de fond pendant les réunions publiques était dérangeant.
La jeune femme fixait tranquillement le ciel dans l'attente de la colère du ciel qui ne saurait plus trop tarder, l'air se chargeant peu à peu d'électricité. Encore cinq minutes et ces veilleurs superstitieux remonteraient pour lui annoncer que les éclairs recommençaient à tomber, vous allez voir ! Il faudrait vraiment en discuter avec Lyr, de cette crédulité, ça pourrait être gênant pendant une bataille...
Le ciel se déchira enfin dans un immense fracas, mélodieux pour Wailani et tous les habitants de ce pays mais sans doute nettement moins pour le vieil homme. Dont elle ne connaissait toujours pas l'identité. Ce qui serait gênant pour le responsable des registres. Et Sacha n'était pas du genre à laisser passer un détail de ce genre.

_ Pourrais-je connaître votre identité ? Il nous est demandé de noter les passages de personne étrangère à cette nation, de manière à trouver les espions - bien que je doute que vous en soyiez un.

Ca c'est de la formulation. D'ailleurs, elle commençait à se demander si il ne s'agissait que d'un inoffensif habitant du pays du Vent. Il y avait trop d'autorité dans sa voix et de sagesse dans ce qu'il disait pour ça. Elle se rappelait que l'on avait longtemps parlé de la mort des parents de la Chef actuelle du pays du vent, et fait des gorges chaudes de sa grande jeunesse ainsi que de celle du bras droit. C'était peut-être un prêtre, mais tout compte fait... il s'en moquait un peu. Il s'agissait seulement d'éviter de rajouter encore de la paperasse sur son bureau et le sol.
Regardant la danse de la foudre, Wailani tenta de se rappeler ce qui l'attendait une fois qu'elle serait retournée à la Maison Dorée. Elle devait achever le nouveau schéma de répartition des divisions de soldat que sa chef lui avait demandé de faire aprés que la Conseillère l'eusse proposé, et s'occuper de quelques détails du trajet jusqu'aux Terres Neutres qui devaient être revues. Les trois jeunes femmes se battaient assez bien pour pouvoir se passer d'une escorte de soldats. Et puis, ça serait pas trés bien vu qu'elles fassent une entrée en fanfare comme si la Foudre dominait déja Waffalo.

Les éclairs revinrent bien trop tôt pour le vieil homme. Il aurait apprécié que le reste de la nuit se passe tranquillement mais le Pays de Foudre ne semblait pas aimer le silence. Et il ne pouvait pas se permettre de changer les habitudes de ses habitants une nouvelle fois aux vues de la réaction du garde quelques moments plus tôt. Il faudrait qu'il vienne dans ce pays plus souvent, au moins pour s'habituer au bruit. Zihel décida alors de passer quelques jours dans le Pays de la Foudre car une fois qu'il rentrerait chez lui le calme des montagnes serait quelque chose d'inappréciable.

Alors qu'il pestait intérieurement contre le temps, Zihel entendit que la jeune femme lui parlait. Mettant ses pensées de côté, il se tourna un peu plus vers elle pour mieux entendre ce qu'elle lui disait. Il n'avait rien a envier a un jeune homme d'une vingtaine d'années quant a son ouïe mais le bruit constant de ce Pays lui rendait la tache plus ardue, surtout quand les éclairs tombaient a quelques mètres de la Tour. La Conseillère lui demanda son identité. Cette fois ci Zihel ne pouvait pas se contenter de marmonner quelque chose et de continuer son chemin, il ne doutait pas qu'il passerait des moments forts peu agréables s'il ne répondait pas. Et puis après tout il n'avait aucune raison de ne pas répondre a la Conseillère, leurs chemins se croiseraient a nouveau tôt ou tard, alors autant partir sur de bonnes bases. Il répondit donc, abaissant légèrement la tête;

"On me nomme Zihel, et vous avez raison de ne rien craindre de moi, je ne suis qu'un Prêtre de Yumna."

Faire une telle réduction de sa charge passerait pour naturelle chez un prêtre, après tout c'était vrai qu'il était le Grand Prêtre du Vent mais au final un prêtre restait un prêtre. En effet, rares étaient ceux qui se pavanaient comme des princes, quelque soit le Pays ou le Dieu qu'on servait. Bien sûr il y avait toujours eu des exceptions mais Zihel ne restait pas en compagnie de telles personnes bien longtemps.

S'inclinant calmement, Wailani fixa un instant le vieil homme. Il était différent du grand prêtre de son peuple, qui hésitait entre le manque de confiance en soi et la lâcheté pure et dure, mais hélas il était le plus capable de tous. Dans un soupir intérieur, la conseillère se dit que quelqu'un de capable arriverait bien un jour.

_ Honorée de faire votre rencontre, Grand Prêtre. Si jamais vous désirez rester un peu sur ces terres, je suppose qu'il devrait être possible de vous fournir vêtements plus discrets et logement.

Il était certain que le prêtre ne passerait jamais inaperçu dans ce pays, tant par son comportement que ses vêtements, et le deuxième problème était plus simple à régler. Et ne rajouterait pas de papiers à faire. Oui, Wailani était vraiment obsédée par ses documents, mais il était vrai qu'à ce rythme, son "petit" bureau deviendrait un marécage de feuilles volantes. Franchement, comment voulez-vous trouver une plume et de l'encre dans son fouillis, qu'elle se représentait en esprit. Vraiment une obsession, cette paperasse.

* J'aurais qu'à engager quelqu'un pour ranger *

La conseillère, rechargée en énergie et n'ayant plus à s'inquiéter pour le tonnerre, se concentrait sur sa tâche, ne parvenant décidément pas à se détendre. Ses mains jouaient toutes seules avec le lacet de cuir, l'enroulant autour de ses doigts fins selon un motif qu'elle seule connaissait. Un nouvel éclair tomba, illuminant le tatouage qui ornait son bras jusqu'au coude, avant que l'obscurité ne retombe un instant. Tout compte fait, Wailani décida finalement de retourner à Uinseann, afin de se reposer un instant dans son bureau. Une difficile réunion l'attendait saans doute.

Zihel ne fut même pas surpris qu'elle sache qui il était vraiment. A vrai dire ses vêtements étaient assez caractéristiques bien que aussi loin qu'il se souvienne, il n'avait jamais vu aucun Grand Prêtre du Vent porté une telle tenue. Son prédécesseur était un prêtre un peu trop eccessif d'après la grande majorité des gens. Il ne portait qu'une simple robe et personne ne se souvient qu'il ait porté autre chose. Son prédécesseur lui était un débauché. Zihel n'avait jamais compris comment il était arrivé a un tel poste. On racontait qu'il avait payé les bonnes personnes et s'était fait les amis qu'il fallait. Zihel ne l'avait jamais aimé et lors des réunions officiel, alors qu'il était encore dans l'armée, il ne se gênait pas pour montrer qu'il n'aimait pas l'homme. Et a vrai dire il n'était pas le seul a le faire. Zihel se souvint alors d'une cérémonie privée ou tous les soldats présents avaint ignorés le Grand Prêtre. Celui ci avait fini par partir dans l'indiférence la plus totale. Mais si Zihel avait accepté la charge de Grand Prêtre il a quelques années maintenant c'était a cause de celui qu'il avait vu dans sa jeunesse. Il n'avait alors pas encore rejoint l'armée et était chez ses parents. Il travaillait avec son père et l'assistait dans beaucoup des commandes qui étaient faites au talentueux tailleur de pierres. Un jour un grand homme s'était présenté. Il n'était ni vieux, ni jeune, comme suspendu entre les ages. Vetu d'une longue tunique ses mouvements étaient très aériens. Il s'était adressé au jeune homme qu'était alors Zihel et lui avait parlé avec autant de respect et de gentillesse que le garçon en avait été surpris. Voulant revoir le vieil homme, Zihel s'était chargé de sa commande personnellement après avoir demandé a son père l'autorisation. Le Grand Prêtre revint quelques lunes plus tard et jugea son travail "impressionnant". Evidemment son père était bien meilleur mais le Grand Prêtre semblait ravi de son travail. Il remercia Zihel, murmura quelque chose au père du garçon puis parti.

Zihel se rendit compte alors qu'après ça son père ne l'avait plus jamais regardé de la même façon. Enfin, peu importait ce que le vieil homme avait dit ce jour la, de plus, il ne restait personne capable de le dire. Zihel fut tiré de ses souvenirs par la voix de la femme à côté de lui. Ces temps ci il avait de plus en plus tendance a se perdre dans ses souvenirs de la sorte. Elle lui proposait des habits et un logement.

"C'est vraiment très généreux de votre part Conseillère mais je n'ai besoin ni de l'un ni de l'autre. Je ne pense pas rester plus de quelques jours ici, des affaires plus importantes m'attendent. Je vais rester en mouvements et je sais quoi faire en cas de problème. Après ces quelques années beaucoup de choses sont devenues naturelles pour moi."

Il se pencha légèrement vers Wailani avec un sourire pour la remercier encore une fois. A vrai dire, Zihel s'était attendu a plus de suspition d'un administrateur du Pays de la Foudre. Les relations avec les autres pays étaient pour le moins compliquées ces temps ci, et le Pays du Vent n'avait pas caché que toute action hostile a leur encontre, quelle qu'elle soit entrainerait une réponse immédiate. Mais jusqu'a présent tout était calme. Zihel doutait que cela dura bien longtemps. Il connaissait trop bien les hommes pour savoir que tôt ou tard ils en viendraient aux armes. Zihel espérait juste que quand ce jour viendrait, il serait encore capable de faire quelque chose pour éviter des pertes inutiles.

Wailani inclina brièvement la tête pour montrer qu'elle avait bien compris et s'avança vers la balustrade, qui donnait sur une étroite corniche. Enjambant la rambarde, la conseillère se retrouva sur l'étroit chemin de route, plus proche de la foudre, et égalment plus exposée aux éléments. Cela faisait une sorte d'entraînement aux yeux de Wailani, indifférente à l'idée qu'elle pourrait glisser et se blesser, voire plus. Le lacet était passé autour de la rambarde, la jeune femme le tenant d'une main pour se retenir, se penchant au-dessus du vide pour observer plus attentivement les alentours. C'était un endroit où rien n'arrêtait la vue, pas même les montagnes car il donnait sur un portillon naturel, servant parfois de passage aux soldats lorsqu'ils devaient exécuter des manoeuvres en territoires ennemis, autrement dit partout une fois hors de la cuvette.
L'exercice était difficile, la conseillère le savait pour y avoir participé une fois, et les nobles habitués à leurs privilèges geignaient lorsque l'annonce était faite. Là-bas, ils étaient traités au même titre que le commun des mortels, l'armée régulière et les mercenaires.

* Je me demande quand commencera la campagne d'invasion... Cela fait un moment que Sacha n'en a pas parlé, c'est étrange... Désirerait-elle former auparavant des alliances ? *

Ce serait une option comme une autre aprés tout. Quel intérêt à dominer Waffalo si l'on a plus de peuple ?
Un éclair tomba à proximité du perchoir de la conseillère, la faisant sortir de ses pensées. Vérifiant que le lacet et la rambarde tiendraient le coup, elle remonta dans la tour, chose un peu plus difficile à exécuter que descendre sur la corniche.

L'esprit de Zihel plongea dans les préparatifs de la Fête a venir. En réalité il y avait beaucoup de monde pour s'occuper de la réception, ce qui captivait son esprit s'était les cérémonies religieuses qui auraient lieu juste avant. L'année dernière les autres Grands Prêtres l'avait chargé de présider les cérémonies, il se demanda si cette année encore son grand age lui voudrait ce privilège. Peu importait qui présidait en réalité. Zihel appréciait le mystère qui planait autour des cérémonies de ce jour particulier pour tout Waffalo. Ca faisait maintenant des années et des années qu'il avait été initié quand l'ancien Grand Prêtre du Vent était mort. Il aurait pu faire tout ce qu'il avait a faire les yeux fermés.

Zihel se souvenait encore de la première fois qu'il avait assisté a cette journée en temps que Grand Prêtre. C'avait été très impressionnant bien qu'il fut déjà assez vieux pour ne plus être étonné de rien. Au fil des années les cérémonies avaient perdu de leur surprenant mais gardait une dimension particulière. Les réceptions qui étaient organisées après permettaient normalement aux peuples de se réconcilier après une guerre ou de créer des alliances solides. Mais cette année Zihel avait un mauvais pressentiment. Il ne l'imputait pas directement au peuple de la Foudre mais sa visite n'avait rien de désintéressée. Si sa présence pouvait au moins déranger le Pays de la Foudre dans ses préparatifs, ce serait toujours ça de gagner. Mais ce que redoutait Zihel c'est que le Pays de la Foudre profite de ce jour sacré pour se décider a attaquer. Une attaque sur les dirigeants réunis était aussi envisageable même si le Grand Prêtre de la Foudre avait un peu calmé ses craintes avant son départ.

Zihel reprit alors ses esprits et vit la jeune femme jouer les équilibristes. Il sourit, se souvenant de tous les enfants du Pays du Vent qui jouaient a de tels jeux avec le Vent comme seule aide. Quand Wailani remonta, le Grand Prêtre l'aida par une légère poussée d'air, plus par galanterie que parce qu'elle en avait besoin.

Wailani sentit un peu d'air la poussant vers le haut, et s'inclina légèrement en guise de remerciements. Un de ses si rares sourires illumina soudain son visage, montant jusqu'à ses yeux d'ordinaire si vides. Pour une fois, l'automate semblait humain.
Un bref souvenir parcouru la mémoire de la jeune femme, lui rappelant son premier meutre... Il pleuvait à verse ce jour-là, et elle ne contrôlait pas parfaitement la Foudre à l'époque... Elle se battait contre son maître, et l'avait foudroyé. Mais la pluie est un conducteur, et elle s'était blessée elle-même au front. C'était en fait la seule raison de son ornement frontal... elle avait pris le tissu de la veste de son maître, comme un symbole...

_ Merci...

S'époussetant d'un geste tranquille, la conseillère lança un mince jet de foudre vers le sol, signal indiquant la seconde relève. Wailani avait l'habitude de partir à la troisième relève, se contentant de sept heures de sommeil avant de travailler pendant quelques treize heures, parfois plus, souvent moins. Une preuve de plus de son inhumanité...
Et dire que le pantin devrait se rendre au bal, porter une robe et un masque, se... maquiller, et coiffer ! Pourquoi ne pouvait-elle pas s'y rendre vêtue comme d'habitude !

* Quelle plaie, parfois, ce métier ! Enfin, c'est simplement que je risque de m'ennuyer et que je passerai mon temps à chercher Sacha et Lyr de crainte que quelqu'un ne comprenne qui elles sont... *

Enfin, elle avait beau se plaindre, l'idée la laisser de marbre, c'est à dire qu'elle lui plaisait. Ca lui éviterait de parler à des inconnus.

» À mon tour!
» Un petit tour à la foire ? *libre*